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  • La nuit où tout a basculé

    Je n’ai jamais pensé que ça m’arriverait.

    Je consommais depuis quelques mois, persuadé de “contrôler”, de “gérer comme tout le monde”. La cocaïne me donnait l’illusion de maîtriser, d’aller plus vite, de tenir plus longtemps. Jusqu’au moment où tout s’est retourné.

    Cette nuit-là, après plusieurs prises, la peur est montée sans prévenir. Mon cœur battait si fort que je croyais qu’il allait lâcher. Chaque bruit dans la rue résonnait comme une menace. J’étais persuadé d’être suivi, observé, piégé. Les murs eux-mêmes semblaient me juger.

    Impossible de distinguer ce qui relevait du réel ou de l’imaginaire : j’avais l’impression que le monde entier s’était ligué contre moi.

    C’est ce qu’on appelle une psychose toxique. Je ne connaissais pas ce mot à l’époque. Pour moi, c’était juste la fin du monde, en direct, dans ma tête.

    Je m’en suis sorti. Mais je suis resté avec une question qui m’obsède encore :

    pourquoi n’avais-je jamais lu d’information claire sur ce risque ?

    Depuis, j’ai compris que je n’étais pas le seul. Que ces épisodes existent, qu’ils sont connus, documentés, mais qu’on en parle trop peu — ou mal.

    C’est pour ça que j’écris ici.

    Pas pour raconter des “histoires de soirée”. Pas pour me mettre en avant. Mais pour témoigner, simplement, de ce que j’ai traversé et de ce que j’apprends. Parce que personne ne devrait vivre ce genre de bascule sans y être préparé.

    Ce blog, ce sera ça : des récits honnêtes, sans glamour ni morale, mêlés à des informations de réduction des risques. Pour que les mots existent, pour que l’isolement soit moins lourd, et pour que peut-être, un jour, quelqu’un tombe sur ces lignes avant qu’il ne soit trop tard.

  • 8 mois, la mort au bout du tunnel

    8 mois, la mort au bout du tunnel

    Ça fait presque un an que j’ai pris ma première trace.

    Mais en huit mois, je suis passé d’une consommation de soirée, “contrôlée”, à 1 à 2 grammes par jour, du lever au coucher.

    En huit mois, j’ai fini dans une baignoire, un couteau sur les veines, persuadé que mon voisin voulait me tuer.


    J’ai toujours eu un rapport particulier aux paradis artificiels.

    Huit ans de dépression. Huit ans où le cannabis est devenu ma béquille. Un gramme par jour quand je travaillais, deux quand je n’avais plus rien. C’était ma façon de tenir, de ne pas ressentir. Puis j’ai arrêté. Un an complet sans rien. J’avais laissé ça derrière moi.

    La coke, je la connaissais déjà. En soirée, de temps en temps. De quoi tenir, prolonger la nuit. Je pensais savoir ce que c’était. Je pensais contrôler.

    Et puis un jour, j’ai mis dans mon nez une coke de bonne qualité. Pas la merde coupée de boîte. Une poudre propre, forte. C’est ce jour-là que j’ai basculé. Le lendemain j’en ai repris. Le surlendemain aussi. Très vite, c’est devenu tous les jours.


    Huit mois plus tard, j’étais à 1 à 2 grammes par jour. Du matin au soir. Toutes les quarante minutes un rail, mécanique, automatique.

    Cette sensation de roulette russe en démarrant la session…

    Je sais que quand je commence, je ne sais pas arrêter la session. Je sais que je vais trop loin.

    Je sais que ce ne sera peut-être pas la première, ni la deuxième, mais peut-être la sixième. Et que, potentiellement, l’une d’elles provoquera l’accident.

    Le fatal, en réalité, quasi nul. Je le sais. Mais le produit me persuade du contraire. Chaque trace se charge de cette angoisse.

    Et je me demande : est-ce que ce n’est pas un plaisir malsain de me créer moi-même ces angoisses ? Comme si l’adrénaline de la peur faisait partie du jeu.

    J’y vais, en conscience, mais surtout en envies.


    Et puis est arrivé le crash. Quatre jours d’hallucinations et de paranoïa. Convaincu que mon voisin me suivait en hurlant qu’il allait me tuer.

    J’ai fui dans un hôtel. Puis un autre. Je criais pour qu’on me laisse tranquille. Les clients se plaignaient, mais j’étais persuadé qu’il me traquait.

    De retour chez moi, paniqué, j’étais sûr qu’il avait réussi à rentrer pour m’attraper. Alors je me suis réfugié dans ma baignoire, un couteau sur les veines, prêt à en finir.

    Pas parce que je voulais mourir. Bien au contraire. Je veux vivre. Mais la psychose m’avait enfermé dans un scénario où la seule issue semblait être la mort.


    Le lendemain, j’ai fini à l’hôpital après une crise de panique. J’y voyais encore des pièges partout. J’ai cru que l’infirmière était la femme de mon voisin. Qu’elle l’avait appelé pour qu’il m’attende à la sortie.

    Et en rentrant, après quelques minutes à peine, malgré l’excès qui m’avait envoyé aux urgences, j’ai repris une trace.

    C’est ça qui me choque le plus aujourd’hui : ce comportement absurde, cette logique d’autodestruction immédiate.


    Aujourd’hui, ça fait six jours. Six jours depuis la baignoire, l’hôpital, la fuite.

    J’ai pris le premier train pour aller chez mes parents. Pour me sevrer. Pour m’éloigner de la coke.

    J’écris ça parce que je n’arrive pas à croire à quelle vitesse tout a basculé.

    Parce que je veux avancer.

    Et que peut-être, mon histoire servira à quelqu’un.