Category: Témoignages

  • 8 mois, la mort au bout du tunnel

    8 mois, la mort au bout du tunnel

    Ça fait presque un an que j’ai pris ma première trace.

    Mais en huit mois, je suis passé d’une consommation de soirée, “contrôlée”, à 1 à 2 grammes par jour, du lever au coucher.

    En huit mois, j’ai fini dans une baignoire, un couteau sur les veines, persuadé que mon voisin voulait me tuer.


    J’ai toujours eu un rapport particulier aux paradis artificiels.

    Huit ans de dépression. Huit ans où le cannabis est devenu ma béquille. Un gramme par jour quand je travaillais, deux quand je n’avais plus rien. C’était ma façon de tenir, de ne pas ressentir. Puis j’ai arrêté. Un an complet sans rien. J’avais laissé ça derrière moi.

    La coke, je la connaissais déjà. En soirée, de temps en temps. De quoi tenir, prolonger la nuit. Je pensais savoir ce que c’était. Je pensais contrôler.

    Et puis un jour, j’ai mis dans mon nez une coke de bonne qualité. Pas la merde coupée de boîte. Une poudre propre, forte. C’est ce jour-là que j’ai basculé. Le lendemain j’en ai repris. Le surlendemain aussi. Très vite, c’est devenu tous les jours.


    Huit mois plus tard, j’étais à 1 à 2 grammes par jour. Du matin au soir. Toutes les quarante minutes un rail, mécanique, automatique.

    Cette sensation de roulette russe en démarrant la session…

    Je sais que quand je commence, je ne sais pas arrêter la session. Je sais que je vais trop loin.

    Je sais que ce ne sera peut-être pas la première, ni la deuxième, mais peut-être la sixième. Et que, potentiellement, l’une d’elles provoquera l’accident.

    Le fatal, en réalité, quasi nul. Je le sais. Mais le produit me persuade du contraire. Chaque trace se charge de cette angoisse.

    Et je me demande : est-ce que ce n’est pas un plaisir malsain de me créer moi-même ces angoisses ? Comme si l’adrénaline de la peur faisait partie du jeu.

    J’y vais, en conscience, mais surtout en envies.


    Et puis est arrivé le crash. Quatre jours d’hallucinations et de paranoïa. Convaincu que mon voisin me suivait en hurlant qu’il allait me tuer.

    J’ai fui dans un hôtel. Puis un autre. Je criais pour qu’on me laisse tranquille. Les clients se plaignaient, mais j’étais persuadé qu’il me traquait.

    De retour chez moi, paniqué, j’étais sûr qu’il avait réussi à rentrer pour m’attraper. Alors je me suis réfugié dans ma baignoire, un couteau sur les veines, prêt à en finir.

    Pas parce que je voulais mourir. Bien au contraire. Je veux vivre. Mais la psychose m’avait enfermé dans un scénario où la seule issue semblait être la mort.


    Le lendemain, j’ai fini à l’hôpital après une crise de panique. J’y voyais encore des pièges partout. J’ai cru que l’infirmière était la femme de mon voisin. Qu’elle l’avait appelé pour qu’il m’attende à la sortie.

    Et en rentrant, après quelques minutes à peine, malgré l’excès qui m’avait envoyé aux urgences, j’ai repris une trace.

    C’est ça qui me choque le plus aujourd’hui : ce comportement absurde, cette logique d’autodestruction immédiate.


    Aujourd’hui, ça fait six jours. Six jours depuis la baignoire, l’hôpital, la fuite.

    J’ai pris le premier train pour aller chez mes parents. Pour me sevrer. Pour m’éloigner de la coke.

    J’écris ça parce que je n’arrive pas à croire à quelle vitesse tout a basculé.

    Parce que je veux avancer.

    Et que peut-être, mon histoire servira à quelqu’un.